Bonjour tout le monde ! Mardi 3 août, j’étais cobaye d’une étude scientifique sur la modulation de la douleur et j’ai envie de vous partager cette expérience. J’espère que cela vous amusera autant que moi !
Le principe de l’étude sur la douleur
L’étude s’intéresse à la modulation de la perception de la douleur (dans le but de la diminuer tant qu’à faire) avec la réalité virtuelle, et je savais aussi qu’il allait y avoir de l’hypnose dans l’expérience.
Le casting…
L’étude est menée par Thierry Gallopin, docteur en neurosciences et Charles Hernoux, doctorant en neurosciences. Pour une étude sur la modulation de la perception de la douleur, partir avec des chercheurs en neurosciences c’est plutôt cool, je suis ravie d’avoir un pied dedans !
Entre douleur virtuelle et réelle…
Et pour faire une étude sur la douleur, il faut avoir mal… Ce qui implique l’utilisation de chocs électriques, dont l’intensité est contrôlable.
Douleur qui allait être représentée dans l’univers virtuel. Ce point me fait penser au neuro-feedback. Les personnes utilisant le neuro-feedback sont connecté à un ordinateur (avec un casque par exemple, qui les relie vraiment à la machine) et leur douleur est représentée sur l’écran (avec une flamme par exemple). Les participants doivent influencer la représentation de la douleur avec leur cerveau (d’où l’intérêt du casque qui récupère les informations) avec pour objectif final de la diminuer (baisser la flamme par exemple).
Un contexte scientifique de l’étude scientifique…
De plus, ce n’est pas la première fois que la réalité virtuelle est utilisée pour moduler la douleur. Cet outil a déjà servi en milieu hospitalier, avec de bons résultats. Son fonctionnement est plutôt logique : si mon cerveau finit par croire que son corps est l’avatar de la réalité virtuelle, alors la réalité virtuelle peut diminuer la douleur de l’avatar et mon cerveau croire que la douleur a baissé.
Pourquoi refaire une étude alors qu’il y a déjà des études sur la douleur ? À mon sens, c’est normal. Les scientifiques doivent faire plusieurs études sur un même sujet, de la même manière et de manière différentes. Si les résultats sont cohérents, alors il semblerait qu’il soit possible d’affirmer leur découverte comme une vérité. Avec des précautions toutefois, parce que si ça se trouve ils découvriront dans dix ans que leur vérité est fausse, mais en attendant faisons comme si c’était vrai.
Un contexte sanitaire pas évident…
Je suis aussi partie avec une information supplémentaire : pour étudier la douleur… Il fallait que je n’aie pas d’antidouleurs dans le sang deux semaines avant l’étude ! Sauf que j’avais reçu ma deuxième injection de Pfizer, qui m’a mis au tapis… Et qui a déréglé mes menstruations… Autant dire que j’ai détaillé ma consommation d’antidouleurs et que j’ai dû attendre un peu avant de participer à l’étude !
Première partie de l’étude sur la douleur : trouver le bâtiment
Je me suis perdue, avec mon GPS. J’inaugure cette nouvelle discipline, en espérant l’amener aux Jeux Olympiques. Et en plus je suis arrivée en retard… Heureusement qu’ils avaient de la marge…
En plus j’ai pu voir le bâtiment où Pierre et Marie Curie ont fait leurs études sur la radioactivité. Et traverser de vrais laboratoires, avec des vraies machines incompréhensibles qui bipent de partout. J’ai aimé.
Première vraie partie de l’étude : la réalité virtuelle
Tout d’abord : consentement éclairé
J’avais déjà pas mal d’informations avant de venir mais il fallait à nouveau s’assurer que j’ai toutes les informations, à l’oral, à l’écrit, et la petite signature pour dire que je savais tout et que je voulais participer quand même. Je suis donc venue en toute connaissance de cause pour me prendre des chocs électriques, et avec joie en plus ! (Mais c’est pour la science hein…)
Réglage de la réalité virtuelle
Une fois les papiers signés, il faut s’équiper… Une chaise, une table (jusque-là ça va).
Des capteurs sur les mains, pour la réalité virtuelle, une espèce de casque en tissu bizarre sur la tête (qui est censé recevoir des électrodes, mais sans électrodes), des électrodes sur le bras pour envoyer l’électricité, un gros joystick, des souris d’ordinateurs branchées nulle part sur la table…
Et le casque de réalité virtuelle. Ce dernier m’envoie une représentation du bureau dans lequel je suis, en plus moche. Mes mains sont sur mes genoux, mais je vois des mains virtuelles, aux poignets curieusement cassés, posés sur les souris à gauche et à droite… Je dois donc poser mes mains dessus ces souris, pour être dans la même position que l’avatar. Avatar équipé d’une blouse. Ça tombe bien, j’en ai reçu une avant. Le but est de faire croire à mon cerveau que l’avatar est son vrai corps. Avec l’expérimentateur, nous réglons la réalité virtuelle pour qu’elle correspond au mieux à la réalité réelle.
L’expérimentateur se trouve dans mon dos, avec ses machines. Moi je suis en face d’un mur.
Calibration de la douleur et apprentissage
Je suis bien avertie que le but n’est pas de souffrir comme jamais, mais de s’arrêter au « aïe désagréable ».
Tout d’abord il a fallu repérer mon seuil de perception : la plus petite stimulation électrique que je puisse sentir sur mon bras. Puis m’envoyer la stimulation la plus forte. Comme ça j’apprends que les chocs électriques vont être entre ces deux extrêmes.
Puis nous recherchons mon seuil douloureux, fois trois. Quelle est « ma » stimulation maximale ? J’apprends au passage que mon seuil est plus bas que la norme et l’expérimentateur me demande si je peux aller plus haut. Ce qui ne me pose pas de problème. Ce n’est pas pire que les menstruations que je supporte tous les mois.
S’ensuit un exercice où je reçois différentes intensités électriques dans le bras dont je dois évaluer l’intensité entre 1 et 10. 1 étant la plus petite et 10 la douleur la plus forte. Nous ne sommes pas allés au-delà de 8, à mon humble avis totalement biaisé.
Notez que je devais faire ces exercices en regardant mon bras virtuel. L’objectif est clair : faire croire à mon cerveau que le bras virtuel est son vrai bras, celui qui a mal. Cela me fait penser aux expériences avec la boîte à miroir. Je ne vous raconte pas, pour vous laisser la surprise. Regardez une vidéo à ce sujet, c’est la même chose ! Cet article de Slate vous décrit le protocole expérimental auquel je pense. Mais son successeur, décrit par Science et Avenir, est quand même plus réaliste !
Étude de la douleur en vue à la première personne, caméra subjective
Un point rouge bien étrange…
La phase suivante consiste à faire la même chose mais avec une lumière rouge sur le bras virtuel, au niveau de la douleur. Et ça, ça ressemble beaucoup au neuro-feedback ! Au fur et à mesure de l’exercice, j’ai fini par associer l’intensité de la douleur à la taille du point rouge. Il y a des endroits où j’ai eu des réponses bizarres à mon sens. Est-ce que le point rouge était plus gros que l’intensité électrique, plus petite ? Est-ce que l’intensité électrique était plus forte que l’intensité du point rouge ?
Je me retrouve à faire plusieurs exercices où je dois donner mes trois seuils douloureux, et évaluer les intensités électriques.
Des questions d’évaluation
Entre chaque exercice, un questionnaire. Il y a eu des questions pour savoir si j’ai l’impression que mon bras virtuel est le bras qui a mal, si j’ai l’impression que le corps virtuel est bien le mien. Au début j’ai eu un peu du mal parce que ce n’était pas la meilleure qualité de réalité virtuelle possible. Mais au bout d’un moment mon cerveau a fini par se prendre au jeu. Il y a eu aussi des questions pour savoir si la taille du point lumineux rouge influençait mon ressenti aussi. Ce qui était clairement le cas au bout d’un moment.
Le joystick invisible…
Pour répondre au questionnaire, je devais utiliser le joystick, qui n’était pas intégré à la réalité virtuelle. Si j’ai pu le trouver facilement au début, j’ai eu besoin de mes deux mains, au bout d’un moment, pour répondre aux questions… Et j’avais plus de mal à trouver le joystick ! Pourquoi n’a-t-il pas été intégré à la réalité virtuelle ? Personnellement, de mon point de vue totalement biaisé, je pense que ça permettait de vérifier que j’étais un peu plus dans la réalité virtuelle… En ayant plus de mal à trouver le joystick dans le monde réel. Et contrôler quelque chose d’invisible pour la vue, mais ressentie par les mains, c’est vraiment bizarre. J’allais un peu vite sur le joystick par moments. Heureusement qu’il fallait appuyer sur le bouton pour valider…
La sortie de corps : étude de la douleur en caméra externe
Il fallait maintenant que je sorte « virtuellement » de mon corps.
Mais avant, un petit passage d’hypnose… Qui m’a fait rire, parce que je n’avais pas réalisé tout de suite qu’il s’agissait d’hypnose. Ça m’a donné l’impression d’un script d’hypnose, un texte déjà préparé à l’avance, lu rapidement.
Et j’ai aimé cette partie parce que (déjà l’hypnose c’est cool) cela me fait penser aux travaux d’Erickson. Si vous ne le connaissez pas, sachez qu’il a influencé l’hypnose d’aujourd’hui. Ses études scientifiques se passaient avec des scripts aussi, lu par les expérimentateurs voire par les participants, pour que ce soit le plus neutre possible.
Une procédure scientifique carré
Puis sortie de corps en réalité virtuelle… Me voilà train de me visualiser en train de reculer et prendre de la hauteur dans la salle… Avec devant moi, mon corps virtuel assis à table, de dos. Alors déjà en vue subjective, la réalité virtuelle n’était pas des plus qualitative… Mais là, en caméra externe, c’est pire ! En plus moi j’avais des cheveux, pas l’avatar ! Mais quand on me demande de fixer mon bras, je fixe spontanément le bras virtuel…
Et c’est repartie pour les mêmes exercices que précédemment, mais en vue caméra externe, et avec les mêmes questionnaires. Si au début je n’avais pas trop l’impression de flotter en l’air comme dans la réalité virtuelle, à la fin j’étais un peu plus « perdue »… À un moment, je finissais par oublier les consignes de l’exercice.
Deuxième partie de l’étude sur la douleur : l’hypnose
Cette partie s’est déroulée dans une autre salle, dans un laboratoire plein de machines très intéressantes et incompréhensibles, face à un ordinateur. Avec une vidéo de Clément Apelian, chercheur hypnotiseur. Je crois me souvenir que c’était pour mesurer mon degré d’hypnotisabilité aussi. Pourquoi mettre ça dans une étude sur la douleur qui concerne la réalité virtuelle ? Pour mesurer l’hypnotisabilité à la réalité virtuelle ?
Une histoire de mesures…
Mesurer l’hypnotisabilité de quelqu’un est « difficile » dans le sens où nous n’avons pas d’échelle numérique, entre 1 et 10 par exemple.
Pour la douleur c’est « plus » simple. Le chercheur sait quelle intensité électrique il m’envoie, mais moi je « mesure » cette intensité avec mes propres biais. Dans la douleur, il y a une composante physique (l’intensité du choc électrique), une composante émotionnelle (si je suis triste et fatiguée, la douleur sera plus forte) et une composante cognitive (là je participe volontairement à une expérience douloureuse… mais j’ai moins envie de me casser la jambe volontairement !).
Je suis influencée par plein de facteurs dans mon estimation… Rien que la position des électrodes sur mon bras gauche est biaisée ! J’aurais eu l’électrode dans l’oreille, je n’aurais pas fini l’expérience… Parce que c’est une zone plus insupportable pour moi… Alors si pour mesurer la douleur c’est déjà compliqué… Imaginez pour mesurer l’état d’hypnose !
Alors il y a des échelles d’hypnotisabilité. Dans certaines, une personne qui vit des hallucinations est considérée comme très réceptive. Mais si la personne n’est pas capable d’halluciner ressentir le goût sucré sur sa langue, mais ressens bien le goût acide, quelle case cocher ?
Jeux d’hypnose
Clément est partie sur tester plein de phénomènes hypnotiques. C’est encore plus simple à mon avis… Cela laisse la possibilité de tester de plein de manières différentes.
Il y a eu un moment par exemple où Clément disait d’ouvrir les yeux et de retenir la couleur des deux balles à l’écran. Raté j’en vois trois. Mais je connais des gens qui en auraient vu deux uniquement juste avec cette suggestion !
Je ne me souviens plus de tous les phénomènes… Il y a eu le bras lourd, le bras impossible à plier, les mains qui se rapprochent, la main collée à la jambe, le moustique embêtant, halluciner des goûts, halluciner la musique « Joyeux anniversaire ». Et là je ne sais plus. J’ai l’impression qu’il y en avait d’autres mais je ne me souviens plus…
Quelques trous de mémoire…
Parce qu’il a terminé par une amnésie… Suggestion de laisser un espace sur le questionnaire et de tout oublier… Mais comment remplir le questionnaire après ?! COMMENT ?! POURQQQQUOI ?! Moi qui voulais remplir le questionnaire correctement, sans erreurs…
En fait il fallait écrire ce dont je me souvenais de la séance d’hypnose… J’avais encore quelques souvenirs mais une mémoire pleine de trous… Je laisse toutefois un espace parce que j’ai une petite fusée en tête et une petite Lune et le mot espace qui tourne en boucle… Sans comprendre pourquoi… Mais bon… Comme je suis dans un laboratoire je me doute bien de la provenance de cette curieuse idée…
Puis lever l’amnésie avec Clément afin d’écrire ce dont je me souvenais… Toujours des trous…
La partie suivante du questionnaire me permettait d’évaluer ma réponse aux différents phénomènes. Mais pour l’amnésie de l’espace, est-ce que ça compte comme une amnésie si j’avais la petite fusée, la Lune, et le mot espace qui tourne en boucle ? Est-ce que je remplis correctement ? Est-ce que je n’ai rien oublié
Je finis l’expérience avec une carte cadeau de 20 euros et l’envie de revenir pour les prochaines !
Dernière partie de l’expérience : trouver la sortie du bâtiment !
C’était toute une expérience… Il faut que je vous partage ce moment !
Si j’étais accompagnée à l’aller, je ne l’étais pas au retour. Et en plus, j’avais changé de salle. J’ai pu retrouver l’ascenseur en traversant des laboratoires. Ascenseur qui ne venait pas.
Bon c’est pas grave il y a les escaliers…
Les escaliers de l’aventure…
J’arrive au premier étage. Il y a une petite barrière devant l’escalier pour aller au 0 et il n’y a pas de lumière en bas… J’en déduis qu’il faut sortir ici… Sauf que la sortie plonge dans le vide et il y a les travaux en bas… La sortie ne doit pas être là… (Ou alors je n’ai pas vu l’escalier…).
Je vais au 0. Tout est noir. Il y a un écriteau étrange sur la porte « Don’t touch with gloves » et le personnage dessus est équipée d’une tenue étrange… Je me souviens qu’il y a le bâtiment de Pierre et Marie Curie quelque part… Est-là ? Est-ce que c’est encore radioactif ? Ai-je supporté Pfizer pour finir jaune fluo par mégarde ? C’est quoi ces bruits bizarres ?
Mettre un peu de piment dans ma vie…
Je remonte au premier étage… Pour traverser un couloir sans lumière, avec des symboles bizarres partout, des bruits étranges de tous les côtés… Je dois vous avouer que cette « réalité virtuelle » là m’a un peu plus impressionnée que celle du casque ! C’est fou comme le cerveau sait se faire des films… J’ai fini par trouver de la lumière, des gens, faillit percuter quelqu’un tenant une boîte à pétri (un petit peu d’anthrax sur mes déchets radioactifs pour donner plus de goût !).
Ces personnes ont fini par m’indiquer la sortie, trouvée quelques erreurs et quelques toilettes plus tard…
20/20 pour la visite !
Conclusion
Le monde réel est quand même mieux fichu… Et le processeur graphique du cerveau humain a une très bonne qualité ! Maintenant à voir si l’expérience est encore mieux avec une réalité virtuelle de meilleure qualité… Quoi que… Il ne faut pas grand-chose au cerveau pour se faire des films tout seul… Éteindre les lumières, des machines étranges, les fantômes de deux grands savants…